Un soir dans les vignes 2017

Juillet 2017 – Vieux Château Certan  Pomerol

Vivre dans l’océan des vignes.

Entre deux rangs, c’est le couloir de la nage. Je n’irai pas trop loin, même si je sais nager. La terre meuble où je m’enfonce, les chardons bleus dressés sur le chemin, les bras de chaque cep étendus vers le rang d’en face comme une offrande faussement amicale, l’inatteignable limite au loin, vers d’autres rangs dans l’autre sens… autant de pièges à mon équilibre et à mes 220 kilos de maladresse. Je me noierais, sans aucun doute, dans cette prétendue mer de la tranquillité.

 

Et que connaît-on des habitants du lieu ? Qui m’attend, tapi entre les pampres élancées et les grappes rondes ? La nuit, je le sais, les oiseaux se taisent et les lapereaux s’endorment. La danse des moucherons de soleil cesse à la faveur de l’ombre et les vers luisants s’installent doucement. La nuit, je le sais, les lutins se glissent sous les larges feuilles pour des escapades sournoises et des rapines éhontées. La nuit, je le sais, les fourbes scarabées trucident d’un coup de pince les tendres abdomens des limaces égarées. La nuit, l’équilibre est tout autre, et je suis une libellule.

A Pomerol...

A Pomerol il suffit de quelques hectares de vigne pour anoblir une maison, pour lui donner une âme, une histoire, une pérennité.

Ce n’est pas le château qui plante la vigne, c’est la vigne qui élève et magnifie le château.

Ecoutons Baudelaire qui recommandait d’être toujours ivre.

Alors maintenant, buvons !

Balade dans les vignes

Il est 8 heures du soir. Il fait encore chaud dans les rangs de vigne sur le plateau. J’aurais dû prendre un chapeau, mon chemisier colle à mon dos. Le sol craque sous mes pas comme de la meringue. Pourtant le soleil descend et va atteindre le toit de la maison. Tout est très calme, vert … Pas une voiture, pas un tracteur. Quelques pépiements de moineaux dans le bouquet d’arbres plus loin. Le feuillage vert émeraude des marronniers provoque un  contraste saisissant avec le vert fluo des jeunes feuilles de vigne que le soleil effleure. J’aime ces contrastes de couleur des feuilles que la lumière traverse, les toutes jeunes pousses qui se découpent en ombres chinoises sur le ciel.

 Au loin, Montagne et son église romane perchée sur la colline.

Un océan de vert, quel calme! … Et pourtant, si je regarde plus bas, les pieds sont chargés de grappes. Les tiges feuillues grimpent, grimpent et s’accrochent aux fils de fer avec leurs vrilles. Vivre, vivre à tout prix ! Quelle énergie, quelle vigueur !  Peut-être l’entendrait-on pousser, le soir, quand tout se tait.

Je vis ici depuis trente ans. C’est notre lieu de travail et c’est la première fois que je me balade ainsi et vois cet endroit avec un regard de pur plaisir, comme si je le découvrais…  en étrangère.

Pourtant il y a deux mois je suis rentrée d’Iran, conquise par le désert, les arabesques, les couleurs, les jardins et Hamed … « Mais ouvre les yeux ! » a dit Alexandre. « Tu as la chance d’habiter le plus beau pays du monde ! »

Promenade

Perdue dans un océan de verdure, vagues parallèles qui déferlent à l’infini.

Du vert, du bleu et puis les rivières noires gravées dans les ceps de vigne.

Au loin, murmure de la route, trilles joyeuses d’oiseaux dont mon père aurait connu le nom.

Une voix grave, seule trace de présence humaine. Les cyprès rectilignes ponctuent les murs des chais, sentinelles attentives qui veillent sur le nectar.

Moelleux du sable entre les rangs de vigne, silex qui accroche la sandale, moelleux de l’herbe qui craque sous la semelle. Du haut de mon mètre cinquante-trois, à l’horizon je ne vois rien, rien que des rangs de vigne qui défilent lentement au rythme de mes pas. A chaque rang une nouvelle vue, à chaque vue un nouveau pas.

Et  puis une saignée plus large qui ponctue les parcelles, ouverture dans un espace non clos.

Un cèdre du Liban, un criquet qui craquette.

Soleil rasant, chaleur et douceur sur mes bras nus.

Seule mais pas solitaire dans cet espace rectiligne et courbe.

Vignes contraintes, attachées aux fils de fer et pourtant libres de lancer une vrille vers le ciel, vers le sol. Au détour d’un rang, nez à nez avec C3PO, un drôle de robot qui doit mesurer le vent et la pluie. Seule présence vivante à part moi à l’horizon.

Soleil rasant à travers les nuages, allée de gravier qui me ramène doucement vers la maison ; maison qui me fait signe derrière les arbres. Le crissement du gravier succède au moelleux de la terre. Odeur chaude, profonde, sèche et pourtant ronde.

 

Je suis au centre du monde, la lune au-dessus de ma tête.

Promenade nocturne

D’abord l’odeur : le bois et puis le vin.

Et puis la vue : la rondeur des cuves, la symétrie des caisses entassées.

Et puis sous la main la douceur du chêne, la chaleur du bois qui a contenu le vin.

Portes majestueuses s’ouvrant sur une enfilade de barriques. Il est là le produit de la vigne, en devenir encore mais déjà si présent. Odeur du vin, douceur du bois. Tout est rond, doux, puissant et fragile.

Et puis dehors la revoilà la vigne, silhouettes de lutins se détachant dans la semi obscurité. La vigne m’agrippe et me retient, pamprilles qui se vrillent, qui m’attachent et me retiennent.

Rosée sur les pieds, air chaud sur le visage.

Au loin, les fenêtres des chais, pupilles de chat, s’éclairent sur la nuit.

Le silence de la vigne est habité de bruits. Des pas dans le noir, ombre furtive, équilibre instable d’un pas qui trébuche.

La lumière me ramène vers mes amis, voyage dans le temps et l’espace à la rencontre de nous-mêmes. Le voyage finit comme il a commencé, partage du vin, partage des mots, ensemble sous la lune. Il était si bon le cake et Cactus le chat si séduisant.

Mon corps est enveloppé par la chaleur

Néanmoins, j’entame ma déambulation

Inspiration

Par toute cette végétation

Expiration

 

Cactus aussi est fatigué

Il somnole allongé à mes côtés

Calme et sommeil enchanté

D’un chat, par la vigne inspiré

 

L’ombre des vignes s’étire

A n’en plus finir

Et s’apparente à une foule

Qui avance, en avant toute !

 

Je suis boulevard des vins

Tout est quadrillé

Le raisin a poussé

Tout a l’air…divin !

 

Ici, une allée de galets

Aux gueules cassées

C’est un chemin de table aux ocres dégradés

Qui m’emporte vers les amérindiens, et leur vie cassée

 

 

Les odeurs de la vigne et de la terre

M’emplissent les narines

Mêlées aux effluves des rosiers

Me font voyager

Et revenir à mon enfance

Tout est silence

Les ceps noueux et ridés

Me font penser au temps passé

Les vendanges effectuées

Le raisin foulé aux pieds

Tout le monde rit

On fabrique le vin de mon papi !

 

Tiens, au bout de l’allée

Une barrière

Serais-je arrivée à la frontière ?

La haut un avion

Rejoint sa destination

Chicoutimi ?

Nous…voiciii !!!

Je me souviens

Je marche, le nez au vent entre les rangs de vigne.

Je me souviens.

Je me souviens de mes expériences estudiantines, couché sous le poids de ma hotte, passant entre deux rangs de ceps torturés, m’attardant plus que de raison auprès d’une jeune et jolie hollandaise.

Je me souviens.

Il y a trois choses qui gagnent à vieillir : le cep de vigne, les souvenirs et les amis.

Mes amis m’attendent.

Je titube, je ne suis pourtant pas encore saoul !

Mais alors pourquoi cette démarche hésitante, chaloupée.

Je ne suis plus entre les rangs de vigne, je navigue au milieu d’un océan, les rangs de vigne se sont métamorphosés en vagues. Une gigantesque houle verte me ramène vers mon présent.

Rentrons vite.

Je me souviens, mes amis m’attendent.

Château Certain Château Certan

Château Certan Château Certain

A l’autre bout du monde

Les gens là-bas ne savent rien

Des végétales ondes

Du souffle chaud du vent taquin

Frôlant les grappes rondes

Des chants d’oiseaux des bruits au loin

Du rire d’une blonde

 

Château Certain Château Certan

Le chant des pas qui viennent

Sur le gravier comme en passant

Et ta main dans la mienne

Le temps s’écrit dans les saisons

D’effeuillage en vendanges

Et plus que le cœur que la raison

Que parfois rien ne change

Promenade nocturne

D’abord l’odeur : le bois et puis le vin.

Et puis la vue : la rondeur des cuves, la symétrie des caisses entassées.

Et puis sous la main la douceur du chêne, la chaleur du bois qui a contenu le vin.

Portes majestueuses s’ouvrant sur une enfilade de barriques. Il est là le produit de la vigne, en devenir encore mais déjà si présent. Odeur du vin, douceur du bois. Tout est rond, doux, puissant et fragile.

Et puis dehors la revoilà la vigne, silhouettes de lutins se détachant dans la semi obscurité. La vigne m’agrippe et me retient, pamprilles qui se vrillent, qui m’attachent et me retiennent.

Rosée sur les pieds, air chaud sur le visage.

Au loin, les fenêtres des chais, pupilles de chat, s’éclairent sur la nuit.

Le silence de la vigne est habité de bruits. Des pas dans le noir, ombre furtive, équilibre instable d’un pas qui trébuche.

La lumière me ramène vers mes amis, voyage dans le temps et l’espace à la rencontre de nous-mêmes. Le voyage finit comme il a commencé, partage du vin, partage des mots, ensemble sous la lune. Il était si bon le cake et Cactus le chat si séduisant.

Petites comptines d’entre les vignes !

Petit puceron, as-tu compris ?

Que dans les rosiers, tu devais habiter ?

Et ne point grignoter, la vigne durant l’été ?

 

Tout juste au pied de la maison,

Un bateau ivre s’est échoué !

Des courants il a eu raison,

Tout près du chai s’est arrêté !

 

Vigne, vigne, si câline

Tes feuilles protègent la grappe divine !

Tout petit grain, parti de rien,

Durant l’été, grossira bien !

Récolte d’un soir et d’un couloir !

Pour ne pas perdre l’équilibre, mieux vaut regarder où l’on marche ; précepte sage de l’homme debout qui craint de retomber à terre !

Du coup, le nez pique en travers pour éviter de sombres ornières et comme à l’accoutumée tombe sur une pierre !

J’aime les pierres, pas pour leur nom mais pour ce qu’elles sont !

Combien de petits cailloux ai-je ramené de mes balades ? Des gros, des ronds, des blancs, des rouges…

J’aime les pierres pour ce qu’elles sont ! Si dures et si acérées, si rondes et si douces à la fois !

Pierre qui roule n’amasse pas mousse, entre mes mains la pierre est tendre !

Celle-ci a une forme de poire, la seconde si blanche rayée de traits noirs !

Quelles sont ces drôles de signes sur ce fragment si brillant ?

Perdues dans les rangées, quelques brisures de porcelaine ou de céramique égayent de leurs couleurs le brun d’un sol boueux.

Pourquoi « 20 » sur ce morceau ? 20 quoi ? Vingtième rangée, vingt raisins, raisin et vin que d’espoirs vains ; tout vint à point à qui sait l’attendre !

C'est beau une vigne la nuit

 

 

C’est beau une vigne la nuit

Une nuit de pleine lune

Accompagnée d’étoiles

Et du chant des grillons

Le vent fait des claquettes avec les feuilles de vigne

Mes pas s’enfoncent dans la terre entre les rangs

Une sérénité douce et joyeuse m’envahit

C’est beau une vigne la nuit

Merci mes amis d’être venus ce soir.

C’est vrai, j’ai la chance d’habiter un endroit unique avec vue sur l’église de Saint Emilion. Oui, un endroit unique, visité et convoité par beaucoup de gens. « C’est la vie de château ! » disent-ils.

 Oui, bien sûr… Mais la plupart du temps  cet endroit est dédié au travail, dehors ou dans les chais, celui de mon mari et de notre fils Guillaume. Dans cet espace-là je n’ai pas vraiment ma place.

Alors merci mes amis de me montrer l’autre face, celle de l’émerveillement, du plaisir d’avoir du plaisir, car j’ai, je le sais, beaucoup de chance, la chance de vous connaître.