Nuit de la lecture 2018

Inspiration : Lecture

  • Il fait beau ?
  • Je ne sais pas.
  • Il pleut, alors ?
  • Je ne sais pas non plus.
  • J’ai compris. Je te laisse.

 

Voilà. Il n’y a plus que moi, enfuie sous la couverture de laine, une bouillotte dans le dos, une autre sur le ventre, sur mon canapé-bulle. Moi et les mille pages magiques de la plus belle réussite de la littérature moderne. Samedi après-midi. Samedi soir. Samedi nuit. Dimanche matin. Mille pages pendant lesquelles je n’aurai pas faim et presque pas froid. Un livre qui me suivra aux toilettes, à côté de mon assiette, et chaque fois que j’irai réchauffer l’eau des bouillottes. Un livre-bibliothèque à lui tout seul, qui annihile le temps et l’espace, efface mon cadre de vie.

 

Demain, le livre sera terminé.

Je pourrai recommencer à vivre.

Déjà 1 h du mat !

Allez, tant pis, je continue… Ce livre est super, comestible, peux pas arrêter …

Zut, faut que je change de lunettes, tout se brouille … Heureusement il reste de l’épaisseur après le marque-pages. Comment je vais faire après ?

Bon, j’éteins… Mais les péripéties continuent, les personnages vivent, comme au cinéma.

Qu’un quart d’heure !

Bon… Je rallume.

 Allez, de l’autre côté, ce bras me fait mal… Ah !cette phrase elle est géniale ! En peu de mots tout est dit ! J’essaie de la retenir, sans trop de résultats.

 Finalement,  pour une bibliovore comme moi, l’histoire compte bien sûr, mais le style, le vocabulaire peut-être plus encore. Vous qui avez la bonté de m’écouter, je suis sûre que vous ne me contredirez pas : On se régale même avec une histoire sans grand intérêt si l’auteur sait manier les mots. C’est un réel plaisir, une dégustation.

La lecture

A chaque fois, c’était pareil, il se glissait sous les draps, s’allongeait goulûment, se nichait dans son oreiller et attendait les yeux grands ouverts. Prêt. Prêt à écouter l’histoire, la quotidienne histoire, celle qui immanquablement ouvrait sa nuit.
Je grimpais alors les trois premiers barreaux de l’échelle qui lui premettait d’accéder à son lit et les bras en crochet par-dessus la rambarde, j’ouvrais le livre en prenant un temps infini pour retrouver la page de la veille et savourer son impatience.
Enfin je repérais la dernière ligne lue et commençais. En articulant, en mettant le ton, en riant parfois, en criant aussi, en roulant les r, en accentuant les consonnes qui donnaient du drame ou du rire à l’histoire et je voyais dans ses yeux à la fois le plaisir, mais aussi le sommeil le surprendre. Et la lutte impitoyable qu’il menait entre sa fatigue et son envie de connaître la suite. Et puis, au bout de 5 minutes, parfois 10 tout au plus, sa tête basculait doucement sur le côté et je savais qu’il emportait avec lui la princesse aux longs cheveux prisonnière de la tour, qu’il avait forcément délivrée.
Je descendais alors le plus doucement possible de mon promontoire improvisé, j’éteignais la lumière et, à tous petits pas, je quittais cette chambre paisible jusqu’au lendemain.

Une nuit à Libourne

Je t’avais promis que je resterai.

Que si on en arrivait là, s’il n’y avait pas d’autres solutions, je resterai passer la nuit avec toi, avec vous.

Alors, quand on en est arrivé là, quand l’occupation a été votée, j’ai entamé une de ces nuits étranges, inattendues.

 

L’obscurité relative de la salle polyvalente, la nuit tombée autour de nous.

Chacun cherche son coin, l’endroit où il va dormir, peut-être.

Peu à peu le silence.

Les adultes se sont regroupés, cherchant sur le sol, entre les meubles, un confort relatif.

A ma gauche, Sylvie s’est endormie.

 

Mais moi je ne dors pas, je ne peux pas dormir. Dans cette obscurité laiteuse, je te cherche des yeux. Je guette tes mouvements, tes allées et venues.

Pas question de dormir, pas question de lâcher, je dois veiller.

Veiller sur toi.

Jamais cette expression n’aura eu plus de sens pour moi.

 

L’oreille aux aguets, les yeux aiguisés, j’essaie de comprendre le ballet des groupes. Engoncée dans un sac de couchage, dans cette salle polyvalente où j’accueillais des étudiants il n’y a pas si longtemps.

 

Une nuit si longue et pourtant si courte. Une nuit de veille et d’inquiétude.

Comme cette première nuit où nous t’avons ramené à la maison après ta naissance, comme cette première nuit mais dix-sept ans après, j’ai écouté, attendu.

 

Comme si je pouvais par la seule force de ma volonté et de mon amour, tendre autour de toi, pour cette nuit et pour toutes les autres, la cape invisible qui te protégerait de tout et aussi de toi.

Qu’il est bon de lire à deux, qu’il est doux de lire à l’autre...

L’un à l’autre, l’autre à l’un…

 

Déjà bien des années de lecture partagée. Toi, sous la couette, moi adossée au lit.

Hier, quelques mots et plein d’images, aujourd’hui quelques images et plein de mots.

 

Ton amour des beaux mots a rejoint ma soif de lecture ; j’aime lire tout haut, tu aimes écouter tout bas. Tu aimes lire les mots, j’aime écouter ta voix. Dans l’obscurité qui s’installe, les mots dansent sur la page. La couverture du livre t’amuse un instant, tu souris de ce chat et de sa petite mouette en pouffant sous ta couette. « Un peu folle cette histoire- mais si beau son message-mais un peu triste » commenteras-tu…

 

Tu es un peu ma mouette, je suis un peu ton chat. Si différents.

Et pourtant du même sang ; ce fut moi qui un jour t’ai porté.

Qui a parlé d’instinct ? Rien n’est vrai dans cela. Comment t’apprendre à voler quand moi-même je savais qu’une fois que tu saurais, loin de moi tu partirais ?

Et pourtant, je l’ai fait. Si chat j’étais , mouette tu serais. Pour que de ton oeuf tu acceptes de sortir, pour apprendre que les mots s’ils sont beaux en eux-mêmes à entendre et à lire, sont encore plus beaux à offrir, à écrire ou à dire.

 

Singe, chats, rats m’ont aidée à t’aider à grandir. Tu as trouvé ton phare, éclairé dans la nuit comme quand tout petit tu te cachais pour ajouter encore un peu de temps, tout au fond des couvertures, persuadé que nul ne voyait la lumière qui scintillait et moi le lendemain je faisais semblant de ne pas voir le marque-page qui avait avancé.

Mais t’es-tu jamais douté que moi aussi je trichais ?

Souvenir de lecture

Dans tous les cas

Mon esprit doit être là

Tout est rangé, plié…

Lavé, nettoyé

Le chocolat juste fumant

Refroidi doucement

Le fauteuil me tend ses bras

Le poêle ronronne déjà

La pluie tape sur les vitres, clap, clap

Ca y est, je m’assoie avec joie

Bien calée dans les coussins

Le livre ouvert n’attend que moi, divin !

Une heure est passée

Le chocolat depuis longtemps terminé

Et je ne sais toujours pas

Qui a fait quoi ?

Je dois savoir

Mais il est tard

Tant pis, je finis

Ah ! C’était donc Lui !

Je referme le livre

Le téléphone vibre

Dix appels en absence ?

Demain, un autre livre je commence…

Inspiration : Nuit

Nuit de Chine

Nuit câline

Nuit libournaise

Nuit de… braise

L’été, trois nuits du mois d’août,

Ma ville est folle

Jours et nuits de farandoles

Trois nuits de fête

A en perdre la tête

Libourne sage

Perd son pucelage

Ce sont des nuits comme des jours

Des nuits de lumière et d’amour

De danse et de feu

Avec des rires plein les yeux

Des nuits de parenthèse

Souvent, le reste du temps, quand la nuit de ma ville est grise, je cherche les fantômes du mois d’août tapis au fond des ruelles. Car nul ne s’échappe des folles nuits d’août. Leurs ombres joyeuses s’agitent à la lueur des réverbères, dans les éclats des pluies d’automne, dans les illuminations de Noël. Libourne est une ville hantée par les musiques estivales et les mots d’amour éphémères.

Juillet 3h du matin

On est rentrés.

 Ce mariage était super.

Alexandre range la voiture tandis que je me précipite pour enlever robe et chaussures tortures, bracelet, bague, enfin tout ce qui est sensé faire de moi une vraie dame (me rendre chic et raffinée) Ouf ! plus de carcan !

Me voilà en chemise de nuit sur le banc, dehors, face au ciel étoilé. Comme c’est bon ! Il a fait si chaud ces jours-ci que l’air du soir n’est qu’odeur de fleurs, sucrée, piquante et poivrée à la fois, comme du miel. Le halo de la lune dévoile le jardin. Tous ces crissements, le « pup » « pup » des grenouilles dans le fossé … Je suis seule au paradis. 

C’est promis, demain j’arrête de fumer.

Le temps est lourd, si lourd

Le temps est lourd, si lourd.

Il fait chaud, si chaud.

Du jardin au second, pas un souffle d’air.

Les oiseaux se sont tus.

La musique s’est éteinte, la Centrale en a fini avec les Fest’Arts.

La fenêtre ouverte ne semble plus pouvoir jouer son rôle.

Mais où sont les étoiles ? Quelle obscurité tout à coup !

Serait ce la lune noire ?

Non pas ce soir, juste le temps des nuages…

Les épais, les lourds , ceux qui annoncent la rencontre entre l’eau et le feu, la pluie et l’éclair.

La rencontre entre le silence et le bruit, l’éther et le tonnerre, l’air la terre, l’eau, le feu, l’espace, la nature dans ses forces gigantesques, inhumaines.

La nature supplantera les hommes que nous sommes.

Respirer est plus dur, la torpeur insoutenable

Et puis le son grandit, la nature crie sa douleur, bestiale.

Et puis l’éclair jaillit, striant de ses zébrures le ciel noirci d’effroi. Le vent s’est installé, les arbres ploient sous sa force. Une première goutte d’eau s’éclate sur le balcon en milliers de gouttelettes.

La pluie est là, magistrale et divine.

Elle tombe sans s’arrêter pour de longues minutes puis de longues heures.

Et puis là tout à coup, tout s’arrête.

La nuit peut reprendre. La lune est apparue.

Là bas , un oiseau chante.

Souvenir de nuit libournaise

Ils sont venus, ils sont tous là

Ils ont afflué de tous les quartiers

Et aussi des villages à proximité

Les enfants sont excités

C’est sûr, ça va bientôt commencer

Mais la nuit, elle, n’est pas là

Alors on se regarde, se jauge, se sourie

On n’ose pas trop encore, il ne fait pas Nuit

Et puis tout doucement elle arrive

A petits pas, de l’autre côté de la rive

On l’aperçoit qui descend

Tout…gentiment

Et enfin…elle est là,

Nous enveloppe de-ci de-là

Les lumières s’éteignent, le silence se fait

Sur le pont, jaillit une petite fusée

Eclairant le public vers elle tourné

Pas le temps de respirer, cela crépite de toute part

Les visages, par ces lumières semblent gaiment blafards

Ils sont captivés par le spectacle offert

Quelques enfants pleurent

Ils ont un peu peur

Mais finissent par regarder

Même s’ils sont impressionnés

Jusqu’au bouquet final qui tous les libère

Alors on applaudi

On est ravi

On ose se parler, commenter

Et parfois, continuer ensemble la soirée

Avec le souvenir des lumières enchantées

Pas de bruits

Pas de bruits, personne dans la rue, juste…un petit frottement discret  sur les pavés qu’un chat vient de traverser sans même miauler.

Une petite bruine apparaît dans le halo du lampadaire ; voilà la pluie arrive et dans quelques minutes chaussées et trottoirs vont luire comme un miroir.

Les cafés ont rangés leurs terrasses et les habitués sont attablés au comptoir : il y a des cris, des rires, des « olas » car derrière le bar la télé diffuse un match de foot et les commentaires fusent.

Plus loin les quais ! et l’Isle !

Le clapotis de l’eau me parvient fugace,  puis  plus distinct, et fort et clair ; j’arrive sur la berge. Le banc m’attend mais je préfère continuer car ce soir je me sens d’humeur légère et cette lune brillante dans le ciel a décidé de jouer avec moi !

Elle se reflète sur la crête du courant de l’Isle et me poursuit ; si je cours…elle court, si je m’arrête…elle  s’arrête aussi ! Qui gagnera ?

Un nuage brusquement la voile, elle a disparu, je ne la vois plus…elle a donc perdu !

La nuit ou peut courir, essayer d’attraper la lune personne nous voit et ce n’est pas elle qui le répètera…

La nuit tout est permis …le rêve aussi

Epaules et dos bien calés dans mon fauteuil...

Epaules et dos bien calés dans mon fauteuil, lumière un peu tamisée, lueurs colorées des guirlandes du sapin encore en place, mon livre à la main ; je suis bien !

L’odeur des pommes rôties au four flotte dans le salon et pénètre mes narines alors que leur goût et celui de la cannelle sont encore dans ma bouche ; tout est calme et sérénité : je pourrai rester… !

 

Mais dès le marque-page est enlevé, je suis partie, enlevée, happée et propulsée dans un autre monde magique, si différent du mien car je ne le vois pas je l’imagine !

 

Et puis…l’infirmière qui sauve le patient anglais…c’est moi !

Et ce beau prince charmant à qui déclare-t-il son amour…à moi !

Et cette reine bienveillante du royaume des Cimes devant laquelle se prosternent tous ses sujets…c’est moi !

 

Mais le livre est terminé…je redescends dans mon fauteuil ; je regarde le nom de l’auteur : ce n’est même pas moi.